J’imagine que le sujet n’est pas nouveau et qu’il a déjà été débattu par les vétérans de la FI mais j’aimerais savoir s’il serait envisageable de commercialiser des fictions interactives en France en 2016 ?
Après avoir lu les 4 FI de cette année, je pense qu’elles ont le niveau de jeux commerciaux.
Pas les triple A à 60 euros mais c’est largement du niveau de certains mini-jeux.
J’imagine qu’on va m’objecter que les FI sont « pauvres » en graphismes mais ce serait nier tout le travail de scénarisation. Et j’ai beau aimer Tetris, j’apprécie les jeux qui ont une histoire fouillée et je pense que de nombreux joueurs pensent comme moi.
Nos confrères anglo-saxons tentent de publier des fictions interactives, y compris sur Steam. L’entreprise Choice of games ne publie qu’en anglais mais ils pourraient élargir leur offre.
En France, Walrus a sorti une collection numérique de livres dont vous êtes le héros et a trouvé un public.
Est-ce qu’il n’y a pas une communauté qui attend ? Ou qui sommeille ?
Ou est-ce définitivement dépassé ?
Dans ton cas par exemple tu as déjà imaginé un monde complet, avec une extension jeu de rôle (il me semble).
C’est vrai que lorsque je discute avec des petits développeurs ils me disent souvent que les jeux n’ont pas de visibilité et que les grosses productions comme Watchdogs passent la moitié de leur budget en publicité.
Après pour promouvoir un jeu n’y a-t-il pas des sites spécialisés qui chroniquent ? Et des festivals pour présenter les jeux ? (j’avoue peu connaître les détails concrets, c’est surtout les éditeurs qui se chargent de la pub)
Il m’est déjà arrivé de présenter des jeux sur des salons littéraires, rapidement. Et cette année je pense recommencer. Par exemple, dans un village du livre comme Cuisery un stand consacré à la fiction interactive ne serait pas « hors sujet ». Certes on travaille sur du numérique mais la FI est très proche des livres classiques.
Le problème, c’est qu’on a tous une vie, personne n’a le temps de se consacrer à temps plein à la fiction interactive (même le grand Andrew Plotkin a dû passer par Kickstarter pour commercialiser Hadean Lands).
L’autre problème, c’est que c’est facile pour un anglophone de mettre une FI sur Steam/AppStore/autre : presque tout le monde entier pourra y jouer.
Pour une FI en français, on se limite surtout à la France, plus les autres pays francophones.
Et même si certaines de nos FI sont assez bien pour être commercialisées, elles ne sont pas assez longues pour justifier un prix selon moi.
Ceci étant, ce serait mon rêve de commercialiser une FI, et je pense que je suis presque prêt à abandonner mes études si j’arrive à obtenir autant d’argent que Andrew Plotkin avec Kickstarter. :mrgreen: Surtout que j’ai quelques gros projets en tête.
Comme Azathoth, je pense que c’est déjà bien de trouver 10 personnes pour jouer à nos jeux gratuitement, alors de là à faire payer…
Sur smartphone, tablette (là où il y a le plus de potentiel), ça me semble difficile de faire taper les commandes aux joueurs.
En revanche des jeux avec des actions à cliquer, style Renpy, ça me semble réalisable et agréable à jouer sur appareils mobiles. Pour entre 0,5 € et 3 €, avec une histoire qui tient la route, pourquoi pas ?
play.google.com/store/apps/deta … ouseofhell
vendu 6 € aussi, en plus c’est la reprise d’un livre existant, Entre 5 000 et 10 000 installations (mais je pense qu’il existe aussi en anglais et que les stats comptabilisent toutes les langues)
en anglais : play.google.com/store/apps/deta … .roommates
gratuit, mais visiblement avec des achats « in-app », entre 500 000 et 1 000 000 d’installation (mais combien vont payer ensuite ?)
Mais comme a aussi dit Azathoth, faire payer renvoie une image plus sérieuse, de « vrai » jeu professionnel, et donc plus de visibilité. Mais quitte à faire payer, autant faire une super FI avec des images,des sons et tout. C’est plus facile à faire de la com quand il y a des images.
Et pour avoir joué à des FI sur iPad avec Frotz, je trouve que ce n’est pas beaucoup plus difficile que sur ordinateur. C’est même agréable : écran de bonne qualité, possibilité de double-toucher les mots pour les coller dans la commande… Sur téléphone, par contre, ça doit être un peu trop petit.
Mais c’est vrai que ce n’est pas le plus pratique, surtout pour un nouveau joueur.
Ou alors on sort une version spéciale adaptée au tactile, avec mots touchables et commandes usuelles dans une fenêtre séparée.
Personnellement, j’ai aussi des projets qui vont dans ce sens C’est aussi pour ça que j’essaie d’expérimenter avec l’interface, pour rendre la forme du parser plus jouable et compréhensible, qu’elle fasse moins peur quoi. J’en suis qu’aux tâtonnements pour l’instant…
Après, la vie d’un développeur de jeux indés est assez compliquée, vu que la plupart n’ont pas d’éditeurs (donc il faut faire la promotion de son jeu soi-même, c’est à dire envoyer plein de mails partout, aller dans des festivals, etc.), mais je suis sûr que ça doit être une super aventure Et oui, il y a sans doute des ponts à faire avec le monde de la littérature, de la litté électronique, du numérique, etc…
(Au passage, ça me fait penser : j’ai échangé quelques mails avec Marco Vallarino, auteur de Darkiss, et il me disait que son jeu (en italien hein) avait eu 250000 téléchargements Apparemment il a passé beaucoup de temps à faire la pub, notamment en faisant des lectures dans des librairies et tout. Et il attribue aussi le succès des jeux au fait qu’ils soient dans des genres très reconnaissables et assez « pulp » : si quelqu’un veut jouer à un jeu de vampire, de loup-garous, ou de SF, ou quoi, leurs jeux arrivent pas mal placés dans Google apparemment.)
Le fait qu’on n’ait pas énormément d’audience en ce moment fait que ça fait peur de se lancer sur un projet commercial, je crois ; si on avait une audience relativement conséquente, on se dirait « je pourrais essayer de faire un gros jeu et la communauté sera peut-être prête à l’acheter », mais là… Cela étant j’ai l’impression qu’on est sur une pente ascendante : on a pas mal de nouveaux joueurs et auteurs, on va peut-être rénover le site, on essaie des trucs cools niveau interface et jeux, on a des activités IRL potentiellement… On y croit
Par contre je ne crois plus tellement au fait que les gens découvriront nos jeux tous seuls, il y a tellement de choses sur Internet ces temps-ci que la probabilité que quelqu’un nous trouve est assez faible… Donc il faut aller les chercher, faire plus de pub, participer à des évènements (IRL, ou jams, ou autre), et même les organiser nous-même ; je crois que c’est la seule solution
(Et une autre tangente : on dit qu’on n’a pas d’audience, mais vu que personne n’a de « tracker » ou autre compteur de visite sur les jeux ou sur le site internet, on sait pas vraiment quelle taille a notre audience… il me semble qu’un outil comme ça est nécessaire dans la version 2 du site, mais c’est sans doute compris dans wordpress)
Merci Otto pour les références.
Cela donne un bon aperçu de ce qui se fait.
Je comprends bien les limites de temps et de budget, que rencontrent de nombreux développeurs, sans parler de la visibilité.
Peut-être si les différents jeux étaient rassemblés au sein d’une collection par un éditeur un peu connu ?
Ou si un jeu narratif français obtient une bonne visibilité, renouvelle un genre, cela ouvre la porte aux jeux similaires.
Comme les romans, je pense que les FI doivent viser des genres identifiables.
Le jeu 100% textuel a ses avantages: c’est crédible, dense, pose moins de contraintes techniques, et surtout le budget graphisme est léger.
Si on intègre sons, musiques et images j’ai l’impression qu’on passe déjà à une autre catégorie de jeu. Est-ce qu’il existe une classification précise de tout ça?
Je suis d’accord: ça se débat mais je parle du point de vue des éditeurs.
Le monde de l’édition catégorise et sur-catégorise en ce moment.
Quand les écrivains rencontrent des éditeurs, la première question est « à quel genre ça appartient ? » tremplinsdelimaginaire.com/cocy … 6&t=217427
(c’est long, 9 pages de compte-rendus mais les écrivains relèvent tous ce détail)
Je ne sais pas si les éditeurs de jeux sont plus « souples » sur les frontières mais les éditeurs papier sont très à cheval sur leurs collections (pour des raisons commerciales).
Les auteurs cités sont plutôt des « grands » auteurs mais ce n’est pas le cas de tous les écrivains. Si on se met à publier des fictions interactives il peut y avoir beaucoup de bonnes mais elles ne seront pas toutes « géniales » au point de marquer l’histoire. Par exemple Choice of games a publié une centaine de FI mais je ne crois pas que toutes soient extraordinaires, mais ils préfèrent constituer une collection complète pour tous les gouts.
Oui, et en fait je dirais même que beaucoup de leurs jeux sont explicitement dans des genres / clichés bien définis (vampires, télékinésie, Hollywood, fantasy, espionnage, aliens, robots, western, etc) plutôt que sur des histoires, et ils ne réutilisent pas les mêmes genres 2 fois…
Ben, est-ce que le fait d’ajouter des illustrations dans un livre fait que ce n’est plus un livre ? J’estime que c’est pareil pour les FI : du moment que le jeu reste centré sur le texte et que les illustrations sont là pour illustrer le texte, ça reste une FI (pour voir des FI en français illustrées, il y a Ekphrasis et Lieux Communs ; il me semble évident de les qualifier de FI).
Évidemment, c’est plus facile de faire sans graphismes, mais je pense que c’est plus facile pour la comm’ s’il y en a. Surtout qu’en France, on n’a pas connu de FI purement textuelles alors que les anglophones avaient Infocom (si je me souviens bien).
on a un compteur sur free, mais c’est assez succinct (quoique). En moyenne on a entre 4000 et 5000 « visites » par mois (je pense que ça compte nos visites et les moteurs de recherche). Petite pointe en janvier du fait du concours : 6700 visites :
le détail de janvier :
Total des Hits 208611
Total des Fichiers 176987
Total Pages 113251
Total Visites 7922
Total des Ko 5755138
Total des Sites uniques 3910
Total des URLs uniques 1237
Total des Référents uniques 425
Total des Navigateurs 753
Pas trop moyen d’avoir le détail des jeux joués, parce qu’ils sont passés en arguments de la page d’accueil (genre ?id=jeu&j=027) et ça ce n’est pas pris en compte. Les seules stats intéressantes que je peux donner, c’est que le « pack » de jeu a été téléchargé 44 fois en janvier.
Pour « observatoire », vu que c’est dans un dossier dédié, c’est plus visible :
mais les 1681 « hits » de la page de faq montrent aussi que les moteurs de recherche et autre robots sont bien présents.
J’ai pas mal rechargé la page aussi lors du travail sur les liens hypertextes.
Dans le top des navigateurs, on voit que 28% des hits sont depuis un « MegaIndex.ru ». Je me demande si ça ne serait pas pertinent de le bloquer. Apparemment c’est un truc pour pomper des données automatiquement.
En tout cas l’information la plus intéressante que j’ai pu avoir dans ce genre de stat c’est que quelqu’un est arrivé sur le site en tapant : « jeu avec pomme de terre »
Pour le jeu italien avec ses 250 000 téléchargements, je ne remets pas en cause le travail de publicité effectué par l’auteur et je veux bien croire qu’il a son public et ses fans, mais je doute qu’il y ait vraiment 250 000 joueurs attentifs qui se soient penché dessus.
À titre de comparaison, 300 000 exemplaires, c’est un Marc Levy qui se vend mal : slate.fr/story/48453/palmare … musso-XIII
À mon avis il y a déjà au moins 95 % liés aux moteurs de recherche et autres indexations + ceux qui sont tombés sur la page et ont refermé l’onglet du navigateur immédiatement parce que ça ne correspondait pas à ce qu’ils recherchaient (peut-être qu’ils voulaient plutôt un jeu avec des pommes de terre !). Mais malgré cela, s’il a eu ne serait-ce que 2000 joueurs qui ont vraiment joué au jeu, ça serait pas mal ! Un tirage de livre moyen, apparemment c’est entre 2000 et 10000 exemplaires. Un texte amusant sur le sujet : stoni1983.over-blog.com/article- … 69383.html
De toute façon, le seul moyen de vendre, de se faire connaître, c’est la PUB, c’est la mise en avant dans les journaux, à la tv, sur les sites connus etc.
Si l’œuvre est moyenne ou nulle, elle se vendra quand même, si l’œuvre est bien elle se vendra mieux. Et si la pub est très présente et les commentaires des « journalistes » sont élogieux, en présentant le jeu ou le livre comme « hype » et à la mode, même un truc nul se vendra bien. Ça doit être la base du marketing.
Plus raisonnablement, avec les moyens que l’on a et sans la puissance de feu d’un éditeur ou sans passer sa vie sur des salons et sur twitteur, il doit être envisageable de sortir de petits jeux honnêtes pour un prix mini. Si le jeu tient la route, il sera pas trop mal noté et permettra d’en sortir de nouveaux par la suite.
oui, c’est tout à fait possible de faire des « livres dont vous êtes le héros » en epub ou mobi pour liseuse ou tablette, d’ailleurs j’ai même fait un truc pour automatiser ça :
oui c’est très bien, par contre je pense que c’est mieux de faire un jeu qui se joue avant tout sur périphérique mobile : les gens sont dans les transports en commun (ou aux toilettes !), ils peuvent profiter de cette occasion pour jouer, plus que devant un écran de PC…
Du coup, un jeu qui se jouent au clic et au lien hypertexte plutôt qu’au parser, j’imagine.
J’ai jamais touché à inform, mais puisque ça peut exporter pour navigateur, ça doit pouvoir marcher sur tablette non ?
Concernant ce que tu dis sur la publicité, j’ai malheureusement l’impression que c’est un peu vrai. La qualité d’un jeu issu d’une petite production ne suffit plus à elle seule à le faire connaitre. Il y a un tel débit de production de jeux que je pense que c’est très facile de passer inaperçu.
Cela dit, le champ de la narration interactive purement textuelle ou illustrée en français est, je pense, relativement dégagé.
Sur la question « illustré ou non », « son ou non », je suis partagé. Par exemple, dans une optique de portage sur liseuse, il faudrait oublier le son ou le rendre complètement subsidiaire. Mais encore une fois, comment promouvoir du texte ? Même les bouquins classiques font de la pub à partir de la couverture…
Il y a aussi l’option « bundle ». Un package avec plusieurs fictions, différents auteurs et qui permette d’expérimenter différentes mécaniques de jeu ou façons de jouer.
Oui, Hadean Lands et PataNoir sont sortis sur tablette l’an dernier, c’est du Inform + une interface un peu plus sympa et plus adaptée au mobile. Sinon y’a des interpréteurs qui lisent les fichiers de jeu, sur Android ou iPhone, mais du coup pas pour des jeux payants.
+1 au reste de la discussion, c’est un bon tour d’horizon…
(Ouarf hé les gens je me suis complètement planté, j’ai relu le mail de Marco Vallarino et il dit 25 000, pas 250 000 x) Désolééé ^^’ Mais 25 000 ça me semble quand même extraordinaire pour un jeu textuel pas en anglais (même si beaucoup plus atteignable que 250 000). Donc bon, respect quoi.)
Une autre idée qui pourrait être à creuser, ce serait de mettre une FI gratuitement sur, disons, l’App Store, mais avoir des achats intégrés pour débloquer les illustrations et les sons, qui seraient totalement optionnels. Ou même des sections optionnelles du jeu.
L’avantage, c’est qu’il y aurait (vraiment) beaucoup plus de téléchargements (sérieusement, je ne sais pas combien de personnes seraient prêtes à payer pour une FI sur l’App Store, sachant qu’il y a plein de jeux avec graphismes et tout disponibles gratuitement).
Le désavantage, c’est que je n’ai absolument aucune idée de combien de personnes achèteraient les illustrations. Ce serait bête de faire tout un tas de chouettes dessins si personne ne les voit…
Ou alors, si on veut avoir de la visibilité, ce serait obtenir le financement d’une région ou autre. Par exemple, un de mes projets en gestation est un jeu du style Ekphrasis, mais qui se passe à Montréal, et où les illustrations seraient des photos prises par moi. J’aimerais y ajouter une intrigue historique, et pourquoi pas utiliser des images d’archives comme mentionné dans le sujet sur les bibliothèques.
Je pense qu’un projet comme ça peut être, soyons fous, financé par la ville de Montréal (mais sûrement qu’ils refuseraient, j’imagine qu’il faut être dans le domaine pour avoir une chance, genre avoir un diplôme d’histoire, ou être un organisme culturel).