Quelques réflexions sur "les quêtes" dans les RPG

Quelques réflexions en vrac après X années à jouer à des CRPG et à essayer, péniblement, d’en écrire un.

Ce petit article sera le premier d’une réflexion que j’entame à titre personnel, mais en espérant que cela puisse servir à d’autres (et que « des autres » viendront me rejoindre pour brainstormer ensemble) sur la « questologie ».

Me contacter pour accéder au document Google drive où je note mes idées en matière de « typologie » de quêtes, de rebondissements, de twists et autres péripéries, pour sortir de l’éternel "Va me chercher 15 champignons / va dire ceci à untel ".

l-idiot-mystique.blogspot.fr/201 … quete.html

« Pièces de huit ! Pièces de huit ! »

hmm… et si tout cela n’était qu’un jeu ! « Drôle de jeu où pour gagner il ne faut pas jouer ! »

Sur le thème de la quête et de sa scénarisation, je trouve le livre d’Emmanuel GUARDIOLA — Écrire pour le jeu, intéressant.

(C’est un joli frontispice qui ouvre ton blogue; très différent — il me semble, de l’autoportrait en noyé qui figurait auparavant : ça vas mieux ?)

J’aurais dû écrire " personne dans la vie NI DANS LES ROMANS ET LES FILMS ".

Indiana Jones et Frodon ne passent pas leur vie à remplir des missions à la con que toute la population leur donne : ils ont un objectif, et avant de l’atteindre doivent se débrouiller avec 150 événements imprévus, coups durs et autres rebondissements qui leur tombent dessus. C’est ça, une aventure. Et on joue pour vivre une aventure, pas pour remplir une check-list :slight_smile:

Sinon ça va bien, merci (mon précédent « frontispice » venait du film « Altered states » de Ken Russel que je recommande chaudement.

Libre arbitre, déterminisme ou fatalisme !? (wikipedia)

Très intéressant, et marrant, comme article !

Pour moi, c’est le concept même de RPG « à la D&D » qui m’embête un peu, et je pense que les quêtes sont une extension de ça. Le concept « d’expérience » a tendance à réduire une progression, un chemin, à quelque chose de mécanique et de mathématique. Je rêve un jour d’un RPG où, comme le dit le proverbe, l’important n’est pas le but, mais le chemin : au lieu de points d’expérience, le personnage et le joueur découvrent des savoirs ou réalisent des choses sur le monde ou sur eux-mêmes, et c’est ça qui fait avancer l’histoire. Bref, un parcours qualitatif plutôt que quantitatif. Les quêtes, c’est jamais qu’un moyen de justifier un passage incrémental de 0 à 50,000 points d’expérience, et de remplir/rallonger le jeu pour que le joueur ait l’impression qu’il s’est entraîné longtemps pour arriver à la fin ; sauf que dans pas mal de RPG, les quêtes n’ont parfois rien du tout à voir avec l’objectif, et on fait le coursier sans que ça avance quoi que ce soit à l’histoire (donc c’est essentiellement là pour « bourrer » le jeu pour qu’il atteigne une certaine durée).

Une super nouvelle (en anglais) sur le sujet « RPG et vraie vie », c’est Zero Hours. C’est court et je crois que ça pose des questions assez fondamentales sur la nature des RPG, des jeux modernes, de la « gamification » et la nature de la vie, surtout dans un capitalisme moderne. Ca peut paraître beaucoup, mais c’est vraiment une super nouvelle (en anglais, dommage…)

Sur un sujet connexe, j’ai vaguement l’idée un jour de faire un jeu qui explore les mécaniques des RPG sous un aspect plus réaliste, en traitant notamment la question du lien social. Du genre « depuis que vous êtes arrivés dans la ville, on ne se rend plus service entre voisins, du moins pas gratuitement, et on est un peu plus individualistes ». Mais c’est encore un peu flou dans ma tête, même si ce fil permettra peut-être d’explorer ça :slight_smile:

Sinon, ça s’éloigne peut-être un peu du sujet, mais y’a quelqu’un qui a étudié les convictions politiques de gamers, et les a classifiées :
urbanfifth.com/the-politics-of-g … u-believe/
C’est intéressant : les joueurs de RPG seraient « progressistes libertariens », ce qui à mon sens reflète (surtout le côté libertarien) le côté « héros free-lance et indépendant, et le reste du monde n’est pas si affecté que ça » des RPGs. Après tout, dans un RPG, pas besoin d’économiser pour la retraite ou de payer pour la Sécurité Sociale, pas de comptes à rendre à un Etat (pas d’impôts à payer), pas de système scolaire gratuit et autres ‹ fonctionnalités › de l’Etat, pas d’aide désintéressée (vu qu’on est rétribué au moins en XP), tout le monde peut tout faire (ie on n’est jamais victime de racisme ou autre) ; c’est une vision simplifiée de la réalité où c’est chacun pour soi, où on est la personne la plus importante, et où des lois à respecter (autres que la notion floue d’alignement) et les impôts à payer sont une ingérence assez intolérable (vu qu’elle ne « rapporte » rien au joueur).

Et pour finir, vous connaissez Cart Life ? C’est un jeu (gratuit) où tout est réaliste et y’a une grande attention portée aux détails ; les mécaniques du jeu sont faites pour être lourdes (pas de raccourcis) et refléter la vie réelle et simuler de façon réaliste la tranche de vie de quelqu’un, avec ses contraintes et ses choix. Un seul objectif, et des embûches réalistes : c’est très intéressant à jouer, je trouve !

Intéressant ce truc sur la politique.

Au fond les RPG demandent au joueur d’être un individu seul, atomisé, et « pro-actif ». Le parfait petit soldat capitaliste à l’américaine, en somme -et Dieu sait que j’ai horreur des raccourcis gauchistes caricaturaux. Mais là ça me paraît vrai, tu as mis le doigt sur quelque chose. Le monde extérieur n’existe pas, les contraintes n’existent pas, la morale est accessoire, facultative en tous cas. Le personnage des RPG est actant, jamais « acté ». Il n’a jamais à « réagir », toujours à « agir ». Et bien entendu la fatalité n’existe pas : c’est une vision du monde totalement américaine.

Oui, on est complètement maître de son destin dans un RPG, et il y a l’idée que si on travaille dur, on arrivera à triompher et être un héros (self-made man, mythe central des US). Pire, tu es le héros le plus important du monde créé par le RPG, le monde tourne autour de toi (en terme d’actions, ie tes actions sont les seules qui font une différence concrète) et on raisonne pas en terme de systèmes, mais en terme de liberté individuelle : j’ai le droit de faire ce que je veux pour atteindre mes buts. Je pense que tout est fait pour « simplifier » le truc et rendre plus agréable au joueur, en faisant que le joueur se sente fort et beau et libre et tes choix ont des conséquences positives et tout. C’est vrai que c’est des idées qui correpondent à des idéaux libéraux de la droite américaine.

Un exemple tout bête de simplification : dans tous les RPGs (à part Dragon Age, je crois), les « compagnons » sont des objets et pas des personnages : le joueur les contrôle, fait ce qu’il veut d’eux, et ils suivront jusqu’à la fin du jeu, sans jamais se plaindre, sans jamais remettre en question les décisions du joueur, sans jamais traits de caractère négatifs (un trop gros égo, par exemple). Du côté game design, c’est parce que l’intelligence artificielle c’est dur, et parce que les êtres humains c’est chiant (faut s’en occuper, être gentil, se remettre en question, faire des concessions, négocier, etc.) ; mais du côté joueur, ça implique que les gens te suivent sans rechigner, que ce sont des outils pour avancer, qu’il faut gérer en appuyant sur des boutons (l’IA c’est dur donc les compagnons sont faciles à contenter ou à larguer) et ça oublie toute la complexité (et la richesse !) des relations humaines.
J’aimerais bien voir un RPG où les compagnons sont tes employés, qu’il faut manager, coacher, payer (avec négociations salariales qui ont des impacts sur le moral des autres), payer des impôts et des cotisations sociales, régler les disputes, etc. en plus d’aller taper du monstre. Et si on se comporte mal avec l’un d’entre eux, il donnera son avis à d’autres personnes, qui ne voudront peut-être pas travailler pour nous… etc ! Ca serait plus réaliste, mais nul doute que ça ne conviendrait pas à beaucoup de joueurs (mais je suis persuadé que bien fait ça pourrait être intéressant).

Un autre lecture, c’est que les RPGs, ça marche bien chez les ados, qui ont un désir de s’affirmer, d’être indépendant, de faire leurs propres choix, et souvent de se faire admirer/reconnaître par les autres et la société (les parents). Et le scénario d’un RPG, c’est un mec qui démarre avec peu d’expérience, mais petit à petit les gens lui font de plus en plus confiance et le respectent/connaissent de plus en plus, à mesure qu’il devient plus fort, plus intelligent, plus rapide, etc. Pour un ado qui est en train de grandir, qui veut que ses parents le traitent comme un adulte, qui trouve que l’école c’est chiant et qui est impatient de faire autre chose, c’est une échappatoire qui a pas mal d’attrait, même si ça paraît simpliste. Je sais pas si ça tient la route, mais je pense que c’est une analyse pas inintéressante aussi.

Dragon Age c’est comme ça, mais également dans Baldur’s gate au niveau des compagnons.

Et je partage votre analyse sur la raison d’être des JdR qui valorisent excessivement le joueur pour diverses raisons (ciblés sur les adolescents, idéaux libéraux de la droite américaine etc). J’ai par contre tendance à trouver qu’un jeu avec des mécanismes trop complexe soit fastidieux à jouer, aussi si on doit rajouter la gestion des compagnons, pas sûr que ça me plaise énormément, mais je peux comprendre qu’il y ait un créneau à ce niveau.

Il y a un jeu en cours, un FPS, où le joueur joue un civil, pour changer un peu le concept : 11bitstudios.com/games/16/this-war-of-mine

Ce FPS a l’air intéressant ! Hop, dans mes favoris :slight_smile:

Oui, tu as raison, les mécanismes doivent être intéressants et pas trop durs, et de toute façon beaucoup de joueurs préfèreront un jeu plus simple et plus fun à jouer que de se prendre la tête… Cela étant, je pense qu’on peut faire simple et intéressant : imagine Baldur’s Gate, mais où à chaque début de journée on doit payer ses compagnons, et plus les compagnons sont expérimentés plus ils sont chers, et le nombre de quêtes n’est pas infini ; ça veut dire qu’il faut être efficace, prévoir des trucs à l’avance, ou éventuellement devoir en virer, ce qui déclenche une baisse de moral… Ou même juste un jeu où on doit payer pour recruter des compagnons le temps d’une quête. Bref, plus j’y réfléchis plus je me dis que ça serait chouette d’expérimenter avec des compagnons qui sont pas gratuits - ça ajoute une dimension intéressante, vu que le joueur a besoin des autres et doit pour cela faire des sacrifices, et ça rend le jeu plus difficile.

Enfin, on s’éloigne un peu du sujet, qui étaient les quêtes :slight_smile: J’ai l’impression que, par simplicité, y’a beaucoup de quêtes « gratuites », qui n’ont aucune influence sur le monde extérieur (à part le déblocage d’une zone ou l’apparition d’un nouveau marchand), et que si on fait un effort de proposer des quêtes qui changent vraiment le monde ou l’histoire, ça rend le jeu plus riche - ça implique peut-être moins de quêtes, mais avec plus d’impact (et du coup peut-être plus longues ?).

Là-dessus je dois dire que je te rejoins, l’idée d’Hugo est intéressante mais, à mon avis, appliquée à petite dose, et il faut vraiment se débrouiller que ça ait un sens, un intérêt au sein même de l’histoire développée par le jeu, et non pas que ça soit juste une contrainte supplémentaire. J’avoue que remplir les papiers de l’URSSAF pour mes compagnons m’assommerait un peu, par contre, devoir « mériter » (financièrement ou par d’autres moyens) leur aide et avoir toujours un léger doute sur leurs motivations, leur fiabilité ou leurs réactions, ça c’est souhaitable, oui. Les mules, c’est pratique, mais ça s’arrête là.

Je pense qu’il est souhaitable que coexistent dans un jeu, des « petites missions » courtes et sans enjeu majeur qui permettent au joueur de se promener, de se détendre un peu après le boulot, ou de faire progresser son personnage par la pratique, etc … et des quêtes longues, contraignantes, à enjeux et à effets sur le monde énormes. Quand on réfléchit à la somme d’aventures que vit un personnage de RPG actuellement, c’est absurdement exagéré, le quart des quêtes proposées suffirait à remplir une vie, ou un roman d’aventures. Cette inflation de quête n’a rien à voir avec de la richesse et du contenu, au contraire ; comme je le dis dans mon article on aura bientôt des quêtes de 30 secondes consistant à faire 3 pas et ramasser un objet (en réalité, on y est déjà).

En acceptant une quête, le joueur devrait se demander « longuement » si ça en vaut la peine - pas parce qu’il risquerait de s’ennuyer (ça c’est la question qu’il se pose actuellement !) mais parce qu’il comprendrait le danger, les implications et les conséquences de toutes sortes.

Et aussi, bordel, des « quêtes » que le joueur ne peut pas refuser ni différer. C’est ça l’aventure !

Quel danger ! Quelles implications ! Et pour quelles conséquences !? Argumente.

Ma quête préférée, que je ne peux ni refuser, ni différer : c’est d’aller me coucher. Ça c’est l’aventure !

Excuse-moi mais non, je ne vais sûrement pas « argumenter » pour ce qui est de la nécessité d’une quête d’avoir des enjeux :slight_smile:

On peut discuter d’exemples, par contre, ou de la proportion quêtes à enjeux / quêtes " fun " , dans un jeu, ce genre de choses, encore faut-il avoir réellement envie d’en parler, quoi :slight_smile: